« Sweet dreams are made of this
Who am I to disagree?
Travel the world and the seven seas
Everybody's looking for something »

Marilyn Manson ▬ Sweet Dreams

Je soupirais. Quelle heure était-il ? Trois heures ? Du matin, hein. Pas de l’après-midi. Pourquoi je suis réveillé ? Heu … Je crois que je ne me suis même pas endormi. Je me tourne et me retourne dans mon lit depuis … Que je me suis couché. Ça fait un petit moment, oui. J’en ai marre. Pourtant, si je ne dors pas, ce n’est pas parce que les filles font du bruit. Non, pas du tout, même. Elles sont sympas, d’ailleurs. Oui, vraiment. Mais, si je ne dors pas c’est … Je ne sais pas. Peut-être que je pense trop. Enfin. Je vais finir par prendre des cachets, si je veux dormir. Ahlala …

Je me levais donc, en bas de jogging, et attrapais mon vernis à ongle dans ma trousse de toilette. Oui. La nuit, quand je n’arrive pas à dormir, ou quand je m’emmerde, je me vernis les ongles. Pas vous ? Ah. Mais, en même temps, je suis très occupé la journée. Je n’ai pas le temps. Et du coup, mon vernis, là, il est tout parti. Vous comprenez, il faut que j’en remette. Hein ? Qu’est-ce que je fais la journée ? Je « matte » ma sœur et je déprime. Ça m’occupe à plein temps, en général.

Je m’installais à la table de la cuisine, et commençais mon « travail ». Si les filles déboulent ici, elles vont probablement me prendre pour un taré, mais bon, ça ne va pas arriver, si ? Je ne sais même pas si elles sont là. Je pense. A moins qu’elles ne soient sorties. Et qu’elles se décident à rentrer. Et qu’elles me voient, en train de me vernir les ongles, à trois heures du mat’. Rassurez-vous, je ne fais que les mains. Et en noir. Quand même.

J’étais tellement absorbé par ma séance de manucure que je n’entendais même pas que quelqu’un était entré dans la pièce. C’est en sentant une présence derrière moi que je manquais de sursauter. Je me retournais. Alesana. Zut. Je l’ai réveillée, avec la lumière de la cuisine ? Ou alors … Elle vient de rentrer, et je ne l’ai même pas entendue …

« Ah … Coucou. »

Je me tus un instant. Zut, si c’est à cause de moi qu’elle est réveillée … Oh non … Je ne voulais pas …

« Je t’ai réveillée ? Excuse-moi … Je voulais pas … »

Minuit était passé, tous les jeunes fêtards du camp passaient la soirée à la plage. Bien sûr Alesana était de la partie avec sa bande d'inséparables. La fête s'annonçait très bien malgré qu'il y avait déjà des personnes un peu soûl. C'était bien la seule chose qu'Alesana n'aimait pas, l'alcool, on pouvait très bien s'amuser sans se bourrer la gueule. Mais il y avait des gens avec qui fête rimait avec alcool. Bref, après avoir pris un verre de coca, la jeune femme allait sur la piste de danse en compagnie d'un beau mâle dont elle ne se souvenait pas du nom. Et franchement, elle s'en fichait un peu de son prénom tant qu'elle était bien accompagnée. Au bout de deux heures, Alesana sortait de la piste de danse, elle allait demander un nouveau verre de coca mais le bel homme avec qui elle dansait lui proposa un verre. Sceptique, la demoiselle regardait ce qu'il y avait dans le verre et elle avait bien fait de s'en méfier parce qu'il y avait un drôle de liquide qui se différenciait avec sa boisson qui se dispersait. La belle refusa sa boisson disant qu'il était trop tard et qu'elle allait rentrer, étant trop fatiguée. Non mais si il croyait qu'il l'aurait dans son lit, rien qu'en la droguant, il se fourrait les doigts dans le nez.

En fait, Alesana ne partit pas de la soirée très vite, il a fallu attendre encore une heure avant qu'elle ne parte dans son chalet. Ce n'est pas de sa faute, si elle aime faire la fête et qu'elle n'aime pas décoller de la piste de danse. Mais quand ils ont commencé à faire passé de la techno, musique qu'elle ne supporte pas, la jeune femme s'était dit qu'il était temps de rentrer. Elle marchait le long de la route qui menait vers son chalet et entrait discrètement dans celui-ci, ne voulant pas réveiller ses colocataires enfin plutôt son colocataire vu qu'Adeline était encore dehors. Alesana partit prendre une douche et enfila ensuite un débardeur avec un bas de jogging qui lui servait de pyjama. Avant d'aller se coucher, la demoiselle remarqua que la lumière de la cuisine était allumée, c'était Edwin qui était à l'intérieur en train de se vernir à trois heures du matin. Attendez là, TROIS HEURES DU MATIN ? Il doit sûrement être insomniaque. Le jeune homme la salua ensuite : "Salut, comment ça se fait que t'es levée à cette heure-ci ?" Quoiqu'on pourrait très bien posait cette question à elle-même qui n'était pas encore couchée. Il s'excusa ensuite de la réveiller : "Nah...T'inquiètes tu m'as pas réveillée, je viens juste d'arriver d'une soirée improvisée. T'aurais dû venir, c'était l'éclate totale."

Comment ça se fait que je sois levé à cette heure-ci ? Ban … Mauvaise question. Je terminais de me vernir les ongles, sans répondre, avant de refermer le flacon. Je fermais un instant les yeux. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui raconter ? Ah …

« Ben … J’arrivais pas à dormir. »

Il faudra s’en contenter. Je n’ai pas envie de lui conter toutes mes angoisses. Je n’ai envie de le dire à personne, de toute façon. Tout garder pour moi. Oui, c’est ça. Pourquoi ? Ça ne vous regarde pas. Enfin … On ne me changera pas.

Alesana me rassura alors. Je ne l’avais pas réveillée, elle venait d’arriver d’une soirée. Ah. Une soirée. Le truc où on est censé s’amuser avec des gens ? Ah ouais …La jeune femme ajouta alors que j’aurais dû venir, car c’était « l’éclate totale ». Je laissais échapper un léger sourire. Attendez … Moi, à une fête ? Une soirée ? Perdu au milieu des autres jeunes ? En train de danser, en train de m’amuser ? Heu … Non. C’est impossible. Je me vois mal m’amuser. Surtout … Surtout maintenant. Pourquoi je suis ici, alors ? Pour regarder ma sœur. Pour souffrir. Et c’est tout. Je ne suis pas censé m’amuser, il me semble. Je ne peux pas, de toute façon. Ça me semble impossible. Sans ma jumelle je … Je ne peux pas. Ou alors, ce ne serait pas du pur bonheur. Ce serait quelque chose de faux. Rien de réel.

« Mouais … Si tu le dis … »

Je fermais les yeux, avant de me tourner vers Alesana. Je lui fis signe de s’asseoir. Bah oui … Elle ne va pas rester debout. Et puis, il y a quatre chaises, dont trois de libres. Elle peut s’asseoir, je ne vais pas la manger. Et puis de toute façon … Rien. Il faut faire comme chez nous.

« Enfin … L’important, c’est que tu te sois amusée, hein ! »

Je croisais un instant son regard, l’esquisse d’un sourire sur les lèvres, avant de baisser la tête et de me perdre dans la contemplation de mes mains. Et maintenant ? Et maintenant quoi ? J’attends. Sans parler. En silence. J’attends quoi ? Rien. Enfin … Si Alesana a des choses à raconter … J’écoute. Mais … Parler de moi … Me confier sur ma vie … Raconter des soucis complètements banals … Non. Jamais. Pourquoi ? Je ne sais pas. La peur. La honte, peut-être. J’ai l’impression d’être quelqu’un de « mal ». Pas forcément violant, mais « mal ». Imparfait. Raté. Un soldat mal moulé. Ouais, voilà. Comme le soldat de plomb, qui n’avait qu’une jambe. Je crois. Sauf que moi … Je n’ai pas de danseuse en papier qui tombe « par miracle » amoureuse de moi. Ah …

« Et … Heu … Y’avait de la musique … mmmh … bien, à ta soirée ? … Adeline est là-bas ? »

Bah oui … Si elle dort, on ne va pas se mettre à brailler. Respectons le sommeil d’autrui, s’il en a. Pas comme moi. Ahem.

Apparemment, Edwin n'arrivait pas à dormir, bon Alesana n'y croyait pas vraiment. Elle sentait qu'il y avait quelque chose qui le tracassait. Mais la demoiselle ne voulait pas en savoir plus si il n'en parlait pas de lui même. Et vu qu'il n'en parlerait jamais, valait mieux laisser de côté. Lui, il préférait écouter et tant mieux comme ça Alesana pouvait parler de tout ce qu'elle voulait avec lui sans qu'il répète à quelqu'un. Même si elle espère un jour, il lui dira ce qu'il lui tracasse. Alesana s'asseyait sur une des chaises en face d'Edwin, elle aimait bien parler en face de la personne. Enfin bref, le jeune homme lui dit si il y avait de la bonne musique à la soirée. Et comment qu'elle était bien, sinon c'était sûr qu'Alesana n'y serait pas allée quoique des fois, elle va à des soirées non pas pour la musique mais pour rallonger sa liste de conquêtes. Alesana ? Croqueuse d'hommes ? Evidemment que si. Mais revenons à nos moutons, la jeune femme lui répondit : "Plus que bien même juste au moment où ils ont commencé à mettre de l'électro." Sans penser que peut être Edwin aimait ce genre de musique, ce qu'elle doutait un peu. "A moins que tu aimes ce genre de musique ?" Ensuite, il lui demanda si Adeline était aussi là-bas ou si elle dormait. "Elle est toujours là-bas. Mais il y a pas que la musique qui l'intéresse." Déclara-t-elle avec un sourire en coin.

Selon Alesana, la musique était géniale. Jusqu’à ce qu’il mette de l’électro. Je laissais échapper un sourire. C’est clair que l’électro … Ce n’est pas mon truc. Pas du tout. Je relevais alors la tête, en entendant la question de la jeune femme.

« Ne t’en fait pas. L’electro et moi … On n’est pas les meilleurs amis du monde ! »

Comme avec environ quatre-vingt pourcent de toute cette musique que l’on passe en boucle à la télé. Hum. Qu’est-ce que j’aime, alors ? Ça se devine, non ? Hard-rock et tous ses amis ! Et rock alternatif. Épargnez-moi de Lady Gaga et ... Je sais pas. David Guetta ? Merci. Partager mes goûts avec Alesana ? Heu … Non. J’imagine qu’elle devine ce que je préfère, et sans trop de mal. Alors … Ne gaspillons pas notre salive.

Je demandais alors à ma colocataire si Adeline était là-bas. Un petit sourire se dessina sur son visage, et elle déclara que oui, mais qu’il n’y avait pas que la musique qui l’intéressait. J’eus un sourire, moi aussi. Ah là là, les filles … Mais bon. Elles ont le droit d’en profiter ! Je devrais, moi aussi. Mais bon … C’est les vacances, je devrais m’amuser au lieu de … déprimer. Ah … Quel con ...

Et maintenant, je dis quoi, pour meubler la conversation ? Je vais me coucher ? Non. Ça, c’est pour tuer la conversation. Et de toute façon, si c’est pour me faire … pour m’embêter au fond de mon lit, ce n’est pas la peine. Je dormirais mieux demain. J’espère. Sinon, ça va être … Chiant. Ouais, voilà. Bah … Je prendrais un cachet. Encore un truc qui va me bousiller le cerveau … Bah … J’imagine que ne pas dormir, ce n’est pas top non plus.

« Heu … Et tu es rentrée parce que … Tu étais fatiguée ? Ou juste à cause de l’électro ? »

Questiondemerde.com. Je me déteste. A trois cent pourcent. Non. Plus. Je me trouve chiant. De toute façon, je suis sûr que c’est le cas de tout le monde. Rien qu’en voyant ma tête de traumatisé, déjà … Et puis … Je dois tuer les gens, avec mon enthousiasme. Normal, quoi. D’ailleurs c’est peut-être pour ça qu’Ash m’a … Non. Ce n’était pas comme ça avant. C’était mieux. Je fermais un instant les yeux, avant de secouer la tête.

« Pardon. Tu disais ? »

Je continue d’être ridicule. Je laissais échapper un soupir. Pas à cause d’Alesana, non ! A cause de moi. Je ne suis même pas capable de l’écouter. Ah … La haine …

Bon apparemment Alesana n'était pas la seule à ne pas aimer l'électro, la jeune femme aimait un peu de tout mais la musique techno qui tapait dans ses oreilles, ça ne passait pas. "Ah ça va alors." Répondit-elle quand Edwin avait dit qu'il n'était pas ami avec l'électro. La jeune femme ne lui demanda pas vraiment c'était quoi le genre de musique, elle pensait savoir c'était quoi son style, rien qu'en le voyant. Bref, Alesana se leva de sa chaise trois minutes pour aller prendre un verre d'eau. "Tu veux quelque chose ?" Lui proposa-t-elle. Avant qu'Edwin lui demande pourquoi elle était partie de la fête si c'était seulement pour la musique ou autre chose. Alesana ne lui répondit pas tout de suite, apercevant qu'il était ailleurs, la jeune femme déclara : "Ici la Terre, on appelle Edwin." Quand le jeune homme se réveilla de ses pensées, la demoiselle échappa un petit rire - pas méchant - avant de lui répliquer avec un sourire : "Rien, j'attendais juste que tu sortes de tes pensées pour répondre à ta question." Puis Alesana lui rétorquait : "Si tu veux vraiment savoir, je ne suis pas juste partie à cause de la musique mais parce que j'aime pas les gars qui essayent d'avoir une fille sans son consentement, en la droguant." C'est vrai qu'Alesana aimait jouer avec les garçons mais elle ne les voulait pas non plus tous dans son lit et c'était pire si le gars en question la voulait dans son lit rien qu'en lui mettant du LSD dans son verre.

Elle s’était levée. Elle me demandait si je voulais quelque chose. Je relevais la tête. Ouais. Pourquoi pas. Je pourrais bouger, moi aussi, et aller me chercher un verre mais … Non. Et puis, Alesana ne va pas m’empoisonner, non plus.

« Oui … Je veux bien un verre d’eau, s’il te plaît. »

Je lui demandais ensuite pourquoi elle était partie de la fête, avant de m’égarer dans mes pensées. Ash, Ash et encore Ash. C’est toujours pareil. Je suis bien incapable de me la sortir de la tête cinq minutes … Ah … Ce n’est pas possible.

Revenons à nos moutons. Je suis sûr que je n’ai même pas écouté la moitié de ce que mon amie me disait. Ah non … Je suis impossible. Je m’en excusais auprès d’Alesana, qui laissa échapper un rire. Je l’observais un instant, perdu. Zut. Ah non. Elle attendait juste que je sorte de mes pensées, pour me répondre. Je lui adressais un timide sourire. Elle est gentille. Vraiment.

La jeune femme continua alors. Elle n’était pas partie à cause de la musique, mais à cause de quelqu’un. Ce quelqu’un qui avait essayé de l’avoir, en la droguant. Je ne pus retenir une grimace. A quoi ça sert, de faire ça, hein ? Que l’on se drogue tout seul, ok, mais que l’on drogue les autres … Non. Ce n’est pas « bien ». Je pouvais, à la limite, comprendre ceux qui se droguaient pour oublier, pour l’avoir moi-même fait, quelques fois. Oui, je sais, c’est mal, et tout ça. Mais bon, je n’y suis pas accro, non plus. C’est juste quand je me sens vraiment mal, et que j’en ai sous la main. Autrement dit … Pas souvent.

« Les gens deviennent vraiment dégueulasses ... » lâchais-je, au bout d’un moment.

Pour qui se prenaient-ils, enfin ? Les rois du monde ? Les rois sont bien souvent plus idiots que leur peuple. Ça n’avance à rien, tout ça. Il n’y a rien de mieux que la vérité. Même si elle vous fait souffrir. Quel intérêt, à se faire une fille qui n’en a même plus conscience ? Intérêt personnel ? Satisfaction personnelle ? Je n’ai qu’à droguer ma sœur, aussi, pour l’avoir, tant que vous y êtes ! Non mais ! Bande d’abrutis. Vous ne comprendrez jamais à quel point c’est délicieux de souffrir, et de tout ressentir. Jamais.

« Le premier qui ose faire ça à ma sœur, je le démonte … »

Oui, moi, avec mes misérables forces, j’oserais. Même si je risque plutôt de finir à l’hosto, en larmes, et avec des dents cassées. Et puis, de toute façon, ma sœur ne viendrait jamais me dire qu’on l’a droguée pour qu’elle veuille bien écarter les jambes. Elle le dirait plutôt à quelqu’un d’un peu plus balèze que moi. Quelqu’un qui compte vraiment pour elle. Non ? Et … Qu’est-ce que j’ai dit là ? Je fermais les yeux. Pourquoi j’ai ouvert la bouche, moi ? C’est sorti tout seul, sans même que je m’en rende compte. Le problème ? C’est que je sens la question du genre « C’est qui ta sœur ? ». Ah … Ouais. Merde.